Dissiper les mystifications, dire la vérité, c’est un des buts que j’ai le plus obstinément poursuivis à travers mes livres.
Cet entêtement a ses racines dans mon enfance ; je haïssais ce que nous appelions ma soeur et moi la » bêtise » : une manière d’étouffer la vie et ses joies sous des préjugés, des routines, des faux-semblants, des consignes creuses. j’ai voulu échapper à cette oppression, je me suis promis de la dénoncer.
Première phrase : Chaque matin, avant même d’ouvrir les yeux, je reconnais mon lit, ma chambre.
Editions : Folio
Nombre de pages : 634
Mon avis :
Ça y est, c’est la fin. Dernier tome de la très intéressante autobiographie de Simone de Beauvoir, j’étais un peu triste en l’entamant de me dire qu’ensuite s’en était fini de cette vie palpitante pendant cette époque qui m’attire tant. Et puis non ! Découverte lors d’une flânerie en librairies : ses carnets de jeunesse sur lesquels elle s’est basée pour écrire Mémoire d’une jeune fille rangée qui ont été édités en deux tomes chez la nrf, je suis donc ravie ! Et puis, j’ai aussi ses lettres (bien qu’elles me plaisent moins de ce que j’en ai pour l’instant lues).
Ce tome diffère des précédents par son organisation qui n’est plus chronologique mais thématique, ce qui apporte un aperçu moins précis de sa vie mais plus centré sur les évènements que Simone de Beauvoir trouve important.
On aborde donc tour à tour, ces amitiés avec des personnes défuntes, puis ses amitiés qui continuent encore lorsqu’elle écrit le livre, les voyages en France et à l’étranger, personnels ou organisés lorsqu’elle est invitée avec Sartre dans des pays qui veulent les recevoir, ses écrits, la manière dont elle est arrivée là où elle est à l’époque où elle écrit ce dernier tome de ses mémoires, son rapport à la lecture, des épisodes de l’histoire et sa participation à ceux-ci, puis diverses interrogations et positionnement sur plusieurs sujets qui sont dispersés à travers tout le livre.
Toute la première partie du livre occupent son rapport à la lecture, à l’écriture, son rapport de l’écriture par rapport à elle même (qui serait-elle si elle n’avait pas écrit ?). Nous avons un grand nombre des livres qui l’ont marquée qui sont cités, avec un avis dessus et ça permet d’en découvrir pas mal !
Continuons par les amitiés. C’est un vrai plaisir de retrouver de vieilles connaissances du Castor que nous avions rencontré dans Mémoires d’une jeune fille rangée et de voir ce qu’ils sont devenus. Giacometti, Violette Leduc, Camille, Lise, Stepha et Fernando… Mais de nouvelles figures apparaissent également dans ses amitiés au cours des dix années que Simone de Beauvoir compte : Léna, une russe francophone qui a servi d’interprète à Sartre et à Simone de Beauvoir pendant leur voyage en URSS, Tito, le fils de Fernando et Stepha (d’ailleurs, petite parenthèse, je lisais Le Monde, la page des nécrologies (petite lubie) et je suis tombée sur un hommage à Tito de la part d’un ami à lui. Après avoir lu un résumé de sa vie, ça faisait un peu étrange, et même si cette coïncidence est fort peu joyeuse et que j’aurai préféré une autre annonce, j’aime quand je croise dans l’actualité des choses faisant écho au livre que je suis en train de lire.), et surtout Sylvie Le Bon, que l’auteur a considéré comme sa fille adoptive. Nous avons pour chacun une petite rétrospective de leur vie, de la manière dont ils sont entrés dans la vie du Castor et quels étaient les liens qu’ils entretenaient ensemble.
Les voyages occupent une grande partie du livre, elle revient sur les randonnées qu’elle aimait faire auparavant, les paysages qu’elle a découverts… J’avoue que si j’aime les paysages, ce que je préfère, et de loin, c’est les interactions avec les gens qu’elles rencontrent. Donc, tout ce qui est randonnée, et description des paysages, bof. Je préfère le faire par moi même ! Par contre, ses voyages à l’étranger m’ont passionnée, notamment ceux fait dans un cadre politique ou pour les besoins de l’édition.
Nous embarquons donc pour le Japon, l’URSS, l’Égypte, l’Israël et d’autres encore. Pour tous ces pays, nous avons un rendu général de leur situation économique, de leur manière de se situer par rapport au monde, leurs idéaux politiques, etc. C’est passionnant pour un point : beaucoup de conflits, problèmes économiques que nous avons aujourd’hui, on prit leur source dans les années que Simone de Beauvoir écrit, c’est donc intéressant d’avoir l’origine de tous les problèmes dont on nous parle aujourd’hui. Et malheureusement beaucoup des prévisions pessimistes du Castor se sont avérées vraies. A travers ces voyages nous découvrons également les coutumes, les modes littéraires des pays, ses intellectuels avec qui Sartre et Simone de Beauvoir se lient mais aussi des gens du « peuple ». C’est donc un aperçu très complet de chaque pays que nous avons, très riche et compréhensible.
Autre pays abordé pour une raison politique, mais ce n’était pas un problème politique dans ce pays. La Suède a accueilli en Mais 1967, le Tribunal. Ce projet a été créé par les Américains de gauche pour juger les crimes Américains commis pendant la guerre du Vietnam sur le modèle du tribunal de Nuremberg. Pour que le Tribunal prennent forme, de nombreux intellectuels et politiques sont invités à être juges en représentant leur pays, ce que vont être Sartre et Beauvoir. Je n’avais jamais entendu parler de tout ça et c’est le passage qui m’a le plus plu dans le livre. Nous avons toutes les démarches faites par le Tribunal, les membres qui le composent, des descriptions des exposés fait pour décrire les conditions de vie des Vietnamiens, l’établissement des questions sur lesquelles ils devaient trancher : Les Américains sont-ils coupable d’un génocide ? Y a-t-il eu des bombardements dirigés volontairement contre les civils ? Les Américains ont-ils violés les lois de la guerre ? Les manières utilisées et les nombreuses divergences qu’il y a pu avoir entre les différents juges… Vraiment c’était passionnant et je pense que je le relirai bientôt pour bien tout comprendre et m’en souvenir.
En dernier arrive avec les voyages les évènements historiques : la guerre du Vietnam avec le Tribunal, les conflits en Orient avec l’Égypte, et l’Israël, la Chine et sa révolution Culturelle et enfin, retour en France : Mais 68 qui nous est très détaillé et qui est rendu très vivant par les descriptions précises mais non lassantes que le Castor en fait.
Le livre fini sur les mouvements féministes auxquels Simone de Beauvoir a pris part, ceux qui se passent dans les autres pays, et surtout l’avis que Simone de Beauvoir porte sur ce mouvement. Elle explique l’évolution de sa pensée depuis la parution du Deuxième sexe et s’ébahit devant le fait que depuis les années cinquante, rien ou presque n’ait changé pour les femmes.
Je conclurai sur l’image que ces écrits m’ont donnée du Castor : une femme forte et curieuse de tout, avide de savoir et de connaissances, une femme pas rangée du tout, au contraire ! Une grande écrivain qui arrive à travers son style a refléter son caractère, on ressent une femme posée, réfléchie et calme mais qui sait se passionner pour des sujets avec un grand enthousiasme et qui très agréable à lire. Il y aurai encore sûrement beaucoup à dire sur cette grande femme, mais je vais m’arrêter là et je m’attellerai prochainement à ses romans.