S. de J.J Abrams et Doug Dorst

S. de Doug Dorst et J.J Abrams

Straka est le nom de l’écrivain le plus énigmatique du XXe siècle. Auteur de dix ouvrages sombres et scandaleux, il aurait trouvé la mort en 1946, sans que nul n’ait jamais découvert son identité. D’aucuns pensent qu’il est lié au déclenchement de la Première Guerre mondiale, d’autres, qu’il est le nom derrière lequel se cache une sinistre société secrète ; quelques originaux disent même qu’il s’agit de l’esprit d’une nonne martyre s’exprimant par l’intermédiaire d’une fillette de 9 ans ! Éric, doctorant en lettres fasciné par cet auteur, tente de percer son mystère. Pourtant, seul, il piétine. Ce n’est qu’en retrouvant la copie égarée du dernier ouvrage de Straka, Le Bateau de Thésée, annoté par Jennifer, une autre étudiante, qu’il avance dans son enquête. La jeune fille a un esprit plus audacieux que le sien, et ses théories farfelues pourraient bien être plus proches de la vérité que les siennes. Travaillant de concert, les deux étudiants sont désormais tout près de découvrir l’identité de Straka. Un secret qui a pourtant défié le monde pendant près d’un siècle. Et certains sont prêts à tout pour le préserver… jusqu’à faire couler le sang. La vérité n’a pas de prix.

 Première phrase : Qui était V.M Starka ? Le monde connaît son nom, sa réputation d’auteur prolifique d’œuvres de fictions provocatrices, de romans qui ont jeté l’opprobre sur d’impitoyables industriels, et anticipé l’épouvantable vague de totalitarisme, véritable fléau de ces dernières décennies.

 Édition : Michel Lafon

 Nombre de pages : 473

 Mon avis :

Aujourd’hui je vais vous parler d’un livre très particulier de par sa forme. Il s’agit de S. de Doug Dorst et J.J Abrams, le célèbre scénariste de plusieurs séries (Lost, Person of interest, etc.) et films. Vous en avez peut-être entendu parlé dans la blogosphère mais si ce n’est pas le cas, une petite explication sur ce livre objet hors du commun.

On peut séparer ce livre en plusieurs parties : une première qui constitue le tout, ce coffret noir qu’on achète en tant que livre. Une seconde qui est le livre hors coffret, qui est reproduit pour sembler être un livre intitulé Le bateau de Thésée, emprunté en bibliothèque avec tout ce que ceci comporte (dos marqué, tampon de bibliothèque, date des retours, aspect vieilli, même l’odeur du vieux livre !). Ensuite on a l’intérieur du livre qui est donc composé du texte du Bateau de Thésée mais aussi et surtout d’annotations qui s’étalent sur tout le livre, laissées par deux personnes, Jen et Eric, mais aussi des documents qu’ils s’échangent à travers le livre et que nous avons également. Je vais donc parler de ce livre en trois points.

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Tout d’abord l’objet-livre donc. J’avoue que quand je l’ai eu dans les mains j’étais toute heureuse, un livre d’une telle densité, une présentation si soignée, un livre avec plein de couleurs (retour en enfance), des documents tout partout qui menacent de déborder si on n’y fait pas attention… Bref chaque feuilletage comportait son ensemble de découvertes, et ça c’était super chouette. Les auteurs expliquent dans une interview (en anglais ici) qu’ils ont voulu rendre hommage au livre avec cet O.V.N.I qui comporte tout ce qu’on pourrait attendre d’un livre numérique enrichi, mais sur papier. Ils voulaient que le lecteur en ayant ce livre entre les mains se sentent comme entraîné dans un autre monde, qu’il rentre dans une certaine intimité provoquée par les annotations. De ce côté là les auteurs ont parfaitement réussi leur pari !

Parlons maintenant du livre Le bateau de Thésée (BDT) de V.M Starka, auteur aussi majeur que mystérieux du XXe siècle sur lequel de nombreuses études se sont penchées. L’intrigue est intéressante bien que peu évidente à suivre au début. Elle raconte l’histoire d’un homme, S. qui a perdu la mémoire et ne se souvient de rien. Il entame alors une quête pour retrouver son identité dans un monde semblable au nôtre mais dans lequel vient se glisser des éléments qui semblent surnaturel. Un peu dystopique par son ambiance de monde corrompu par une élite financière à laquelle s’oppose une poignée de gens, un peu roman d’aventure par la quête du héros et ce qu’il va vivre en différents lieux, fantasy par certains éléments troubles… Moi personnellement ça m’a plu et je ne me suis pas ennuyée, même si on a un peu de mal à rentrer dans l’histoire et que parfois des détails sont difficiles à saisir.

Venons maintenant à la partie du livre qui rend ce roman si original, les valeurs ajoutées du livre, soit les annotations et les documents glissés dans le livre.

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Tout d’abord les annotations, elles sont donc laissées par Jen et Eric qui enquêtent sur V.M Starka. Cet ouvrage est le dernier qu’il a écrit et on apprend au fil de notre lecture que cachée derrière l’histoire de S. se cache une auto-biographie de l’auteur et un dialogue entre lui et son traducteur qui laisse des notes de bas de page à son intention. Cette enquête reste très floue pour nous lecteur, en tous cas pour moi. Les échanges des personnages sont peu explicites et il manquait à mon sens des éléments pour que l’on comprenne tout. Malgré tout, même si on ne comprend pas comment tel élément est arrivé là, on le retient et tout repart comme sur des roulettes ! Les auteurs voulaient créer « une sorte de sudoku diabolique » c’est réussi aussi mais peut-être trop bien réussi…

Autre aspect des annotations, elles permettent outre l’enquête de dévoiler les deux personnages, leur histoire, un peu de leur vie, et forcément il va y avoir une romance… Au début j’ai été déçue, mais finalement à part pendant les dix dernières pages leurs échanges sont vifs et plein de réparties, jamais trop mielleux, quand l’un l’est, l’autre casse la romance. Donc mon petit cœur de midinette a plutôt aimé cette relation que l’on voit évoluer en même temps que les personnages, même si elle n’est pas forcément crédible et un peu trop attendue.

Et dernier aspect qui est à mon sens le mieux trouvé, les annotations s’étalent sur plusieurs niveaux dans le temps et on peut voir cela grâce à des codes couleurs. Gris quand Eric a écrit dedans seul, bleu/noir quand ils commencent à écrire tous les deux dedans, orange/vert ensuite violet/rouge, etc…. Il y a en tout 5 périodes si je ne me trompe pas, qui se retrouvent parfois sur la même page vu qu’ils reviennent sur ce qu’ils ont dit. Et j’ai trouvé ça relativement bien si on exclu le fait que forcément pour la trame narrative entre les deux héros, il y a plus d’annotations bleues/noires au début du roman, et des annotations rouges/violettes à la fin. Mais voilà, quand on a un format tel que celui-ci, le fond comporte forcément des éléments peu logiques. Je suis juste un peu déçue que l’édition française n’ait pas gardé le travail de design fait sur les polices et les couleurs qui sont plus travaillées dans la version US (un clic sur l’image au-dessus).

Et un petit paragraphe sur les documents, ils sont bien insérés, éclairent parfois l’histoire, et sont surtout très réalistes, un bon petit plus donc ! Il faut juste faire attention à ne pas les perdre, ce n’est pas évident pour retrouver la bonne page où les mettre après… J’ai parfois eu l’impression qu’il me manquait des documents par rapport aux annotations, je ne sais pas si c’est une erreur de la maison d’édition ou bien s’il n’y a juste pas de document à ces endroits.

Pour conclure, un roman dont je salue la forme hors du commun, avec néanmoins quelques maladresses dans le fond, mais je lui pardonne ! Une bonne découverte dont je garderai un bon souvenir et dont je vous conseille la lecture, au moins pour l’expérience qu’il propose.